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Il ne suffit pas de changer les règles du jeu pour créer un environnement favorable au financement de l’EAH, il faut aussi changer les mentalités!

Lesley Pories, Manager, Sector Strategy, Water.org and Co-Chair, SWA High-Level Policy Dialogue Working Group
20 Oct 2020

Alors que les préparatifs de la communauté SWA battent son plein en vue de l’organisation de la prochaine Réunion des ministres des finances dans un format régional inédit, une grande attention est accordée cette année aux changements que devraient opérer les ministres des finances selon nous pour soutenir la réalisation de notre objectif commun d’un accès universel à l’eau et à l’assainissement, ainsi que pour répondre à la crise sanitaire mondiale qui nous frappe tous. 

Si nous nous focalisons autant sur les ministres des finances, c’est parce que nous les considérons comme les « gardiens des Règles » – c’est-à-dire de l’ensemble des politiques et réglementations financières qui soit permettent et (a priori) encouragent les investissements commerciaux privés dans le secteur de l’EAH, soit empêchent ces sources indispensables de capital de contribuer à la solution.

Bien qu’il soit indispensable de garantir la mise en place de règles appropriées pour permettre au secteur de l’eau et de l’assainissement de bénéficier de capitaux privés supplémentaires – une condition selon nous nécessaire pour atteindre les cibles 6.1 et 6.2 des ODD – concentrer tous nos efforts de plaidoyer sur les seuls acteurs gouvernementaux nous fera manquer la cible que nous devons en réalité viser, à savoir les acteurs financiers du secteur privé, puisque c’est à eux qu’appartient in fine la décision d’investir ou non dans le secteur EAH, tout comme le choix de l’ampleur de ces investissements.

Or, comme le dit l’adage : « On peut mener un cheval à l’abreuvoir, mais on ne peut pas le forcer à boire ». En effet, si les politiques constituent un élément clé dans l’évaluation que font les acteurs financiers du rapport bénéfice/risque d’un investissement, pour autant, la décision de ces acteurs d’investir ou non est motivée par un ensemble de facteurs, dont les réglementations financières ne représentent qu’une partie.

L’année dernière, j’ai eu l’occasion de coécrire l’article intitulé « Mobiliser le financement pour le WASH : Jeter les bonnes bases », qui a inspiré le Manuel pour les ministres des finances récemment publié par SWA « Eau et assainissement : des pistes pour améliorer l’efficacité des investissements publics » et sur lequel s’appuieront en partie les prochaines Réunions régionales des ministres des finances. Dans cet article, mes collègues et moi-même soulignons les dix problèmes fondamentaux du secteur auxquels il convient de s’attaquer pour pouvoir attirer et retenir les investissements privés. Nous y indiquons notamment qu’« il est tout aussi crucial pour la création d’un environnement favorable à l’investissement d’aider les organismes de financement nationaux – soit les investisseurs – à voir les possibilités de financement offertes par l’EAH et à comprendre comment, grâce à de légers ajustements dans leurs transactions, ils peuvent améliorer le profil de risque des prêts concernés ». L’article précise en outre qu’« une partie de l’assistance technique devrait viser à aider les investisseurs commerciaux à mieux comprendre le secteur EAH, ce qui leur permettrait d’avoir davantage confiance dans les investissements qu’ils pourraient faire dans ce domaine ».

Pourtant, de nombreuses organisations chargées de résoudre les problèmes auxquels se heurte l’EAH se cantonnent essentiellement à aider les acteurs gouvernementaux, et en particulier les ministres des finances, à comprendre le secteur. On peut alors se demander qui œuvre à mettre un terme à l’idée reçue profondément ancrée dans l’esprit des acteurs financiers privés (internationaux et nationaux) selon laquelle les investissements dans l’EAH [dans les économies émergentes] présentent un risque beaucoup trop élevé. N’oublions pas que s’il faut du temps pour faire évoluer les politiques – ce que vous confirmera toute personne engagée dans des activités de plaidoyer – il en va de même pour les préjugés de tout un chacun.

Water.org est d’ailleurs témoin de la persistance de ces convictions dépassées. Depuis 2004, notre mission est d’encourager les institutions financières à proposer des microcrédits spécifiquement dédiés à l’approvisionnement en eau et à l’assainissement. En juin 2020, les institutions financières partenaires avaient ainsi prêté un total de 2,4 milliards de dollars (une somme provenant de leurs coffres) à des foyers à faible revenu dans 12 pays, dont 99 % avaient été remboursés par les emprunteurs. Ces chiffres montrent bien, contrairement à ce que l’on croit, qu’investir en faveur des pauvres est une entreprise somme toute assez peu risquée. Pourtant, même face à cet état de fait, de nombreux organismes de prêt demeurent sceptiques sur la capacité des populations démunies à rembourser leurs dettes. 

Il est donc capital pour atteindre nos objectifs de faire évoluer non seulement l’état d’esprit des ministres des finances, mais également celui des acteurs de la finance. 

S’attaquer uniquement aux problématiques fondamentales auxquelles se heurte l’EAH n’aboutira pas automatiquement à un afflux d’investissements privés. Nous avons besoin d’un ensemble de courtiers et d’intermédiaires qui cultivent activement la présence d’investisseurs commerciaux dans notre cher secteur, qui les aident à en comprendre les rouages et le potentiel, leur donnent suffisamment confiance en ce secteur pour y investir et leur expliquent pourquoi leur engagement est fondamental dans ce domaine.   

Nous sommes ces courtiers.  

Il est temps de travailler main dans la main et d’élaborer une stratégie qui permettra aux acteurs du secteur de la finance de bien comprendre les tenants et les aboutissants de l’EAH pour que, lorsqu’on les mène à la source, ils aient envie d’y boire.