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Quand les pandémies aggravent la précarité menstruelle

Karanja Daniel, WSSCC member and Founding Director, Community Socioeconomic Development Initiatives, Kenya
04 Jun 2020

À l’échelle du globe, près d’1,8 milliard de filles, de femmes, d’hommes transgenres et de personnes non binaires en âge de procréer ont leurs règles. Pourtant, la plupart des communautés des pays à revenus faible et intermédiaire ont des difficultés à accéder aux informations relatives aux cycles et aux produits d’hygiène menstruels.

 

Si, avant la pandémie de COVID-19, cette problématique concernait déjà des millions de personnes, la crise actuelle a contribué à exacerber les vulnérabilités existantes à de nombreux égards :  

  • Si les règles ne connaissent pas de trêve pendant les pandémies, il arrive cependant que l’accès aux produits d’hygiène menstruelle, tels que les serviettes hygiéniques et les tampons, soit perturbé en raison de l’augmentation des prix ou d’achats de panique et du confinement qui conduit à des ruptures de stocks dans les commerces locaux.
  • Le manque d’accès aux services d’approvisionnement en eau, d’assainissement et d’hygiène (EAH) dû aux lacunes dans la prestation des services gérés en toute sécurité, aux défauts de paiement ou à l’augmentation du prix de ces services : les personnes menstruées placées en quarantaine en raison d’un test de dépistage positif à la COVID-19 ou confinées chez elles n’ont pas toutes accès à un système de distribution d’eau, à des postes de lavage des mains ou à des savons/des solutions désinfectantes.
  • Le manque d’informations essentielles sur la santé procréative ou sur la lutte contre les tabous et la stigmatisation : les approches conventionnelles telles que les séances d’information ou d’autonomisation en groupes proposées aux communautés sont limitées en raison des appels répétés à rester chez soi et des mesures d’éloignement social. Bien qu’une augmentation des interactions et des plateformes en ligne soit à constater, l’accès universel et financièrement abordable à Internet reste un défi de taille pour les populations rurales.
  • Pendant les pandémies, les foyers les plus pauvres se heurtent à des priorités contradictoires, privilégiant généralement l’achat de nourriture ou d’autres biens vitaux au détriment des produits d’hygiène menstruelle.

J’ai eu l’occasion d’interroger Daniel Sironka, agent de santé publique dans le comté de Narok au Kenya et expert en matière de gestion de l'hygiène menstruelle (GHM). M. Sironka rencontre régulièrement les guerriers et les anciens des communautés pastorales du pays pour leur parler de la nécessité de banaliser les discussions relatives aux règles. « Dans la plupart des régions difficiles d’accès, seule une poignée de foyers sont reliés au réseau électrique, et les pratiques culturelles pastorales sont fondées sur le patriarcat. Si l’on veut que personne ne soit laissé de côté dans ces régions, il faut innover dans la conception et la diffusion d’informations en matière de santé menstruelle », explique le spécialiste. « Malgré la situation actuelle, il est de notre devoir et de notre responsabilité de supprimer les inégalités et de renforcer les systèmes EAH afin de fournir de meilleurs services et produits d’hygiène menstruelle aux populations marginalisées », poursuit-il. Actuellement, une grande partie du Kenya, en particulier les régions du centre, du nord et de l’ouest, sont en proie à des inondations en raison des pluies diluviennes qui se sont abattues sur le pays entre mars et mai. Ces événements ont poussé les communautés touchées à se déplacer et à s’installer dans des camps de fortune dépourvus de toute installation adéquate d’alimentation en eau potable, d’assainissement et d’hygiène. « Le lavage régulier des mains à l’eau courante et au savon et le respect des mesures d’éloignement social sont le dernier des soucis de ces communautés. L’absence de latrines les expose par ailleurs à des maladies transmises par l’eau comme le choléra », explique Norbert Musundi, agent de santé publique du comté de Trans-Nzoia. « En tant que porte-parole formé à la GHM, je travaille en collaboration avec d’autres groupes de bonne volonté – principalement des organisations confessionnelles – pour distribuer des serviettes hygiéniques aux femmes et aux filles vivant dans ces camps ». Les besoins des personnes menstruées, qui, du fait de la pandémie de COVID-19, souffrent également d’autres vulnérabilités socioéconomiques, sont aujourd’hui aussi changeants et complexes que l’environnement dans lequel elles vivent. Aussi M. Musundi émet-il de sérieuses réserves quant à la capacité des partenaires, des parties prenantes et des communautés à répondre aux exigences particulières formulées lors de la Journée mondiale de l’hygiène menstruelle cette année. « Il est grand temps d’honorer la promesse de fournir des services de santé et d’hygiène menstruelles appropriés à toutes les personnes concernées, en particulier à celles touchées doublement par une catastrophe climatique et une pandémie, car les règles ne connaissent pas de trêve pendant ces périodes », ajoute-t-il.

Le Consortium de l’Afrique centrale et de l’Est pour la santé menstruelle – une alliance gérée par des jeunes et comptant des membres dans plus de huit pays – défend le droit à vivre ses règles dans la dignité pendant et après les pandémies. Nous sommes convaincus que l’engagement continu des organisations de la société civile et des autres partenaires d’exécution au sein du secteur EAH s’avérera utile pour générer des données destinées à l’élaboration de mesures de sensibilisation et d’interventions fondées sur des données probantes, grâce à une analyse des vulnérabilités reposant sur la probabilité d’exposition de groupes particuliers à certains risques, notamment les ménages dirigés par une femme, les personnes handicapées et les femmes et les filles vivant dans une situation d’extrême pauvreté. Durant cette période de pandémie sans précédent, et compte tenu des diverses formes de vulnérabilités auxquelles sont confrontées les différentes communautés, il est urgent de revoir les processus d’élaboration et les cadres de mise en œuvre de notre politique nationale d’EAH et d’inciter les partenaires et les acteurs à s’engager et à investir en faveur de la GHM, de manière à créer un environnement propice à l’amélioration de la qualité de vie des femmes et des filles pendant leurs règles. Par ailleurs, nous encourageons Assainissement et eau pour tous à poursuivre par le biais de l’Appel à l’action des dirigeants mondiaux contre la COVID-19 cet élan visant à hisser l’EAH au rang des priorités politiques et financières pendant et après la pandémie.

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