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Les organisations communautaires sont un élément clé de la riposte contre la COVID-19

Sheela Patel, Chair, Slum Dwellers International (SDI) and Director of the Society for the Promotion of Area Resource Centres (SPARC) in India
17 Jun 2020

Les principales directives destinées à limiter la propagation de la COVID-19 sont le respect de l’éloignement physique et le lavage des mains avec du savon ou l’utilisation de désinfectant. Pour beaucoup, ces instructions pourraient simplement constituer une mesure de précaution supplémentaire. Néanmoins, dans de nombreuses communautés (particulièrement celles qui vivent dans des implantations sauvages) dans les pays en développement, elles s’avèrent difficiles à appliquer.

 

Nous nous sommes entretenus avec Shamim Banu Salim Sheikh, membre de Mahila Milan (un collectif de femmes autogéré et décentralisé), qui vit dans un taudis de Mumbai, au sujet de sa communauté et des retombées de la pandémie de COVID-19 : « Nous essayons de communiquer à tous qu’il faut garder les mains propres, les maisons propres, ne pas éternuer ou tousser dans les lieux publics, mais tout cela est valable pour les riches, pas pour les pauvres, comme nous. Dans notre quartier, la plupart des foyers comptent au moins sept ou huit membres. Comment pouvons-nous leur dire de ne pas s’asseoir ensemble ou de maintenir une certaine distance entre eux ? » Alice Wanini, volontaire en santé communautaire dans le taudis de Mukuru Kwa Reuben, utilise un message vidéo pour expliquer à SDI les difficultés qu’elle éprouve pour encourager des mesures de prévention comme l’éloignement physique et le lavage fréquent des mains dans des bidonvilles surpeuplés, où des familles d’au moins 10 personnes peuvent vivre dans des abris de fortune de 10 m² et où les longues files d’attente aux stations de lavage des mains provoquent une grande frustration chez de nombreux habitants. 

C’est cette réalité que vivent près de 1 milliard d’habitants d’implantations sauvages – soit 30 % à 70 % des résidents de certaines villes. Les pandémies aggravent les vulnérabilités existantes, comme les inégalités d’accès aux services d’eau, d’assainissement et d’hygiène, la perte des moyens de subsistance pour les travailleurs journaliers, ou les difficultés liées à des maladies sous-jacentes comme des affections respiratoires, des maladies transmises par l’eau ou liées au mode de vie, en raison d’une mauvaise nutrition ou de l’abus de substances. Alors que les cas de COVID-19 grimpaient en flèche à travers le monde, des mesures de confinement strictes ont été appliquées, ce qui a placé des chefs de communauté ou des organisations communautaires en première ligne. En Sierra Leone, la Fédération des populations pauvres des zones urbaines et rurales (FEDURP, Federation of the Urban and Rural Poor) et l’ONG qui la soutient, le Centre pour le dialogue sur les établissements humains et la réduction de la pauvreté (CODOHSAPA, Centre for Dialogue on Human Settlements and Poverty Alleviation), sont impliquées dans la lutte contre la COVID-19 dans leurs localités de la municipalité de Freetown, l’épicentre de la pandémie. Les mesures de prévention et d’atténuation prises par la FEDURP sont les suivantes :

  • Conception d’une application de suivi des cas (Fiscovidata, Données sur la COVID-19 au sein des implantations sauvages de Freetown) et mobilisation de bénévoles communautaires pour les efforts de communication des cas et des incidents ;
  • Définition de supports de sensibilisation, comme des affiches, des prospectus et des vidéos. La FEDURP a consulté différents supports de communication créés par le Ministère de la santé et de l’assainissement. Leurs contenus ont ensuite été adaptés en fonction des réalités des taudis et des implantations sauvages. Engagement en matière de sensibilisation des communautés, au travers d’interventions directes auprès des communautés et à l’aide de différentes plateformes de médias sociaux pour partager des vidéos et des débats radiophoniques ;
  • Fournitures de veronica buckets (pour le lavage des mains) et de masques ; 
  • Collaboration étroite avec les dirigeants locaux des implantations pour faire appliquer les réglementations et les pratiques gouvernementales ;
  • Engagement auprès des autorités nationales et locales pour améliorer la réponse du Gouvernement aux besoins des implantations sauvages : travail avec le conseil municipal de Freetown pour soutenir une cuisine communautaire destinée à trois communautés extrêmement vulnérables et qui cible les personnes atteintes de handicap, les personnes âgées, les orphelins, les jeunes filles enceintes et les ménages dirigés par des femmes, qui comptent plusieurs personnes dépendantes.

Au Malawi, 75 % de la population urbaine vit dans des implantations sauvages (Bureau national des statistiques, 2018). L’Alliance SDI au Malawi a réalisé les progrès suivants en matière de fourniture d’informations sur la COVID-19 aux implantations sauvages : 

  • Les 35 groupes de la fédération à Blantyre, Lilongwe et Mzuzu disposent à présent d’équipements pour le lavage des mains. La priorité a été accordée aux villes, car c’est là que les premiers cas ont été signalés. Les groupes d’épargne de la fédération continuent de se réunir pour mener à bien leurs activités d’épargne, de prêt et d’entrepreneuriat de groupe, en conformité avec les réglementations gouvernementales ;
  • L’Alliance au Malawi a travaillé avec les services de santé du district de Lilongwe pour diffuser des messages de sensibilisation au sujet de la COVID-19 dans 10 implantations sauvages de la ville de Lilongwe (qui totalisent environ 30 000 personnes) avec un système de communication publique en mesure d’atteindre efficacement un grand nombre de personnes ;
  • Des dirigeants communautaires de 24 implantations sauvages de la ville de Lilongwe ont bénéficié de connaissances et de compétences sur la façon de diffuser des messages sur la COVID-19 à leur communauté ;
  • L’équipe de télévision de Malawi Know Your City a mené des efforts dans les médias pour sensibiliser les jeunes, notamment avec la production de six courtes vidéos décrivant en quoi la COVID-19 avait affecté les marchands ambulants, les filles et d’autres groupes vulnérables dans les implantations sauvages.

Avec ces exemples d’actions communautaires menées pendant la pandémie, je veux montrer que le confinement est synonyme d’adaptation : les membres et les dirigeants des communautés sont en première ligne. Malgré tout, leur contribution reste invisible et tacite. Ce sont ces responsables communautaires qui bénéficient de la plus grande confiance du public et qui sont le plus pris au sérieux. Malheureusement, les gouvernements ne tiennent pas compte de leurs idées, suggestions ou solutions pour la planification et la riposte. En l’absence de confiance mutuelle entre les fournisseurs et les communautés affectées et si les voix des personnes les plus marginalisées ne sont pas entendues, le soutien et l’aide nécessaires pendant le confinement ne viendront pas.

Je ne répéterai jamais assez que lorsqu’un État-nation impose un confinement à sa population, il doit de toute urgence lui garantir qu’elle aura accès à des aliments et des soins de base. Les populations ont DROIT à ces services de base. Il n’est pas acceptable de se contenter de montrer des photos étiquetées « bénéficiaires », qui représentent des personnes qui reçoivent de la nourriture. Les implantations sauvages ne bénéficient pas du soutien massif dont elles ont besoin, notamment pour donner des moyens de subsistance à leurs habitants du secteur informel et pour combler des lacunes existantes comme la mauvaise qualité de l’accès à l’eau et à l’assainissement. 

Le partenariat mondial SWA joue un rôle unique dans cette crise et dans la fondation du monde post-COVID : tout d’abord, il mobilise ses partenaires, en particulier les gouvernements, afin qu’ils adoptent des mesures urgentes et nécessaires pour fournir des services d’approvisionnement en eau et d’assainissement aux régions urbaines et rurales. Ensuite, grâce à son pouvoir de mobilisation, il est en mesure de renforcer des partenariats inclusifs au sein des pays pour améliorer les relations entre le gouvernement et l’ensemble des parties prenantes pertinentes, en particulier les organisations communautaires. Il doit s’assurer que la voix des organisations communautaires est non seulement entendue en cette période de crise, mais qu’elle est également intégrée aux plans de plaidoyer des réseaux nationaux d’organisations de la société civile. Nous devons constamment nous rappeler que les urgences de santé publique, telles que la COVID-19 ou la catastrophe progressive provoquée par les changements climatiques, nous imposent dorénavant DE RECONSTRUIRE EN MIEUX.


Remarque : Pour consulter des études de cas supplémentaires sur les actions et les ripostes communautaires contre la COVID-19, rendez-vous sur le site Internet KnowYourCity de Slum Dwellers International.