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Eau et paix : plus de collaboration, pas de compétition

Catarina Albuquerque, CEO, Sanitation and Water for All
21 Sep 2019

En quoi l’eau peut-elle être un facteur de promotion de la paix ? Pourquoi considère-t-on les eaux transfrontalières (les aquifères, lacs et bassins versants partagés par deux pays ou plus) comme des enjeux de sécurité nationale ? Est-il possible d’envisager les eaux transfrontalières comme point de départ pour une coopération plutôt que comme catalyseur des risques de conflit ? Les autres acteurs jouent-ils un rôle pour faciliter le dialogue ou est-ce le domaine réservé des dirigeants politiques ? C’est avec ces questions à l’esprit que je plaiderai contre la titrisation de l’eau et en faveur de la coopération (internationale, régionale, nationale et locale) comme outil pour la gestion des eaux transfrontalières.

Commençons par un état des lieux : plus de 50 % de la population mondiale dépend de l’eau douce de rivières partagées par deux pays ou plus. Malgré tout, on observe toujours l’absence de toute forme de cadre collaboratif dans plus de 60 % de ces bassins. Cela montre en quoi le déséquilibre dans la distribution des ressources en eau et la concurrence entre les multiples utilisations de ces ressources (agriculture, consommation humaine, etc.), auxquels on peut ajouter la croissance de la population et les effets des changements climatiques, font émerger le débat sur les « guerres de l’eau ». Voilà qui nous rappelle sérieusement les liens entre l’eau, la paix et la sécurité, ce qui correspond inévitablement au récit utilisé pour justifier la titrisation de l’eau. Cette « titrisation » de l’eau provient en fait de la perception croissante du fait que la baisse de disponibilité de l’eau constitue une menace existentielle pour des États, ce qui justifie des réactions politiques et militaires. Cependant, tous ces débats ne parviennent pas à souligner le rôle de l’eau dans le maintien de la paix et de la sécurité à l’échelle internationale. Comme cela a déjà été prouvé pour l’alimentation, ce n’est pas la pénurie ou le manque d’eau qui entraîne un conflit, mais sa gouvernance ou sa gestion.

Nous avons déjà plusieurs exemples de systèmes de coopération transfrontalière qui s’avèrent très efficaces. C’est le cas de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS), qui rassemble la Guinée, le Mali, la Mauritanie et le Sénégal, ou celui du bassin de la Save en Europe. La coopération transfrontalière a encore davantage bénéficié des objectifs de développement durable (ODD). L’objectif 6.5 réclame en effet la mise en œuvre d’une gestion intégrée des ressources en eau à tous les niveaux, y compris au moyen de la coopération transfrontalière. L’objectif 16 appelle quant à lui à promouvoir des « sociétés pacifiques et inclusives au service du développement durable, à ouvrir la voie de l’accès à la justice pour tous et à la mise en place d’institutions efficaces et responsables à tous les niveaux. » Les liens entre les ODD 6.5 et 16 ne sont pas difficiles à tisser lorsque la sécurité hydraulique est abordée sous l’angle de la gestion efficace de l’eau entre les pays afin d’équilibrer les objectifs de qualité, d’égalité d’accès durable et d’adaptation aux changements climatiques. Il faut à présent étendre ce discours à la sphère politique et d’autres parties prenantes, comme des ONG, des universités et des institutions confessionnelles, peuvent aider à renforcer la confiance et favoriser la collaboration.

C’est là la raison d’être d’Assainissement et eau pour tous (SWA) : faire émerger la volonté politique pour une collaboration multipartite et des prises de décisions inclusives, fondées sur des éléments de preuve (qui s’appuient sur des données) pour mettre l’accent sur le financement et l’innovation dans le secteur. Au sein de SWA, nous mobilisons nos partenaires gouvernementaux, ainsi que les parties prenantes pertinentes, pour créer un environnement favorable à l’EAH au sein duquel les institutions peuvent traiter efficacement des questions complexes comme la gestion transfrontalière de l’eau. Pour encourager chaque année des pratiques durables, le prix Zayed pour le développement durable récompense les réussites de ceux qui proposent des solutions utiles, innovantes et enthousiasmantes en matière de développement durable.

En 2002, Kofi Annan, l’ancien Secrétaire général des Nations Unies, a déclaré à l’occasion de la Journée mondiale de l’eau : « Les problèmes liés à l’eau que notre planète doit affronter ne sauraient être qu’une source de tension ; ils peuvent également être un moteur de coopération. Si nous travaillons ensemble, nous pouvons atteindre un avenir sûr et durable pour l’eau. » En un mot, seule la coopération internationale peut fonctionner.